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Le Machine Learning au service de l'automatisation de la chaîne logistique

Le Machine Learning au service de l'automatisation de la chaîne logistique

Par Nicolas Payette

Mis à jour le 24 juin 2020, publié initialement le 1 novembre 2017

Les applications commerciales de l’Intelligence Artificielle (IA) et du Machine Learning (une forme d'IA) sont dans toutes les conversations ces derniers temps. Le Machine Learning (apprentissage automatique en français) et l’informatique cognitive sont devenus des mots à la mode, particulièrement populaires dans le marché des logiciels d'organisation et de planification.

Histoire et évolution du Machine Learning

Wallmart dans les années 90

Lors de la récente conférence des utilisateurs TG16 de ToolsGroup à Boston, le PDG et le cofondateur de ToolsGroup, Yossi Shamir, a proposé une présentation très intéressante sur le « leadership éclairé » intitulée « Révolutions des chaînes logistiques et sciences cognitives ». ToolsGroup a été l’un des premiers adeptes du Machine Learning, le premier à avoir introduit et déployé des applications de prévision et planification des chaînes logistiques (SCP) il y a plus de quatre ans. Walmart est un excellent exemple de la révolution de la chaîne logistique des années 1990, qui s’était fondée sur l’offre de coûts faibles et de services de qualité à la clientèle (disponibilité du produit).

Les éléments clés de cette nouvelle approche étaient les partenariats stratégiques avec les fournisseurs, les volumes élevés de commande en contrepartie d’accords de niveau de service (SLA) par les fournisseurs et un réseau d'approvisionnement simplifié et intégré. Ceci a été permis grâce au portail Retail Link de Walmart, qui propose une visibilité des points de vente (POS) pour le réseau.

Amazon dans les années 2000

Amazon a marqué la nouvelle révolution des chaînes logistiques dans les années 2000, en fournissant des articles à faible coût, livrés très rapidement au client. Le pionnier de la vente en ligne a recours à des économies d’échelle et à des chaînes logistiques rapides et efficaces pour améliorer le service proposé aux clients du commerce en ligne. Vous vous rappelez de l’époque où la livraison en deux jours était considérée comme un temps record (et un luxe coûteux) ? Grâce au service Prime Now d'Amazon, les clients de certaines grandes villes peuvent actuellement opter pour un service de livraison en une heure le jour même pour un prix raisonnable (certaines personnes ont reçu une livraison de bonbons en 23 minutes à Manhattan et des exemples de livraison gratuite en deux heures ont été signalés). Aujourd’hui, les distributeurs ont du mal à faire face, car, à cause d’Amazon, les clients attendent naturellement une livraison sous une journée.

Vers une modéisation de la demande en temps réel

En raison de la personnalisation offerte aux consommateurs, une partie de la demande (et des stocks) est « à la traîne » et la majorité des unités de gestion des stocks ne génère pas une proportion équivalente du chiffre d’affaires. Les quelques pourcentages d’articles à la traîne, pour lesquels la demande est faible et incertaine, représentent une part importante des revenus (car ces articles sur mesure sont généralement importants pour le consommateur). Pourtant, la fréquence des contrôles de réapprovisionnement reste généralement hebdomadaire, ce qui est modeste et insuffisant en cette époque de développement rapide, où les commandes sont passées instantanément via l’Internet des Objets (IOT) intégré à des appareils comme des distributeurs automatiques ou électroménager. Ainsi, Costa Coffee, un client de ToolsGroup, est désormais en mesure de modéliser la demande en utilisant les signaux de consommation envoyés par ses distributeurs automatiques présents partout.

L’e-commerce et les nombreux canaux compliquent la détection des signaux de demande

Selon le Bureau du recensement des États-Unis, en 2014 le commerce électronique représentait 9 % de toutes les ventes au détail aux États-Unis et on dénombrait près de 200 millions de consommateurs numériques dans le pays. Le commerce en ligne (le « e-tail ») devrait augmenter de 10 % par an au cours de la période 2016-2020. Toutefois, le commerce en ligne n’est que l’un des nombreux canaux de l’environnement de la vente au détail. La majorité des ventes continueront d’être réalisées par les infrastructures « physiques », mais sont de plus en plus influencées par Internet. Selon une étude menée par Forrester en 2015, 75 % des ventes au détail prévues au cours des 5 prochaines années seront générées par la vente au détail inter-canaux. Cette année-là, les clients des revendeurs multicanaux ont utilisé Internet pour rechercher des produits ou faire des commandes dans 79 % des cas. En outre, les dépenses de publicité sur les réseaux sociaux devraient augmenter de plus de 9 % d’ici 2020, alors que les dépenses associées aux publicités intégrées aux applications mobiles devraient augmenter de 240 % d’ici 2020.

Ces signaux de demande dans le secteur du commerce de détail multi-canal sont similaires à une activité accrue sur le marché boursier. Le volume et le nombre de transactions sur le marché boursier ont augmenté en raison de la hausse des courtiers en ligne en 1990, ainsi que de la hausse du trading haute fréquence (HFT) dans les années 2000. L’hyper-réactivité aux nouvelles et aux signaux affecte les cours des actions de manière plus spectaculaire que par le passé. Mais alors que la volatilité des marchés boursiers intermédiaires et à long terme n’a pas augmenté, la volatilité à court terme (rendements journaliers) a fortement augmenté.

Les approches traditionnelles de planification de la demande multi-canal sont à la traîne

Lors de la conférence de ToolsGroup, Yossi Shamir a décrit certaines approches traditionnelles de planification et de prévision et leurs lacunes dans le cadre du commerce multi-canal, comme le souligne le livre « Judgment Under Incertain: Heuristics and Biases » de Kahneman et Tversky. L’une d’entre elles est l’approche « heuristique de la représentativité » ou « l’idée fausse du risque ». Par exemple, dans le cas d’un niveau de service de 72 %, montrant un intervalle classique entre chaque commande en « dents de scie », les mesures réalisées au cours de courtes périodes peuvent indiquer un niveau de service de 100 % (le stock est disponible 72 % du temps au cours de l’intervalle entre chaque commande) ou de 0 % (le stock est égal à zéro dans 28 % du temps au cours de l’intervalle), ce qui peut avoir des conséquences « fâcheuses ».

L’autre méthode est l’« illusion de validité » qui consiste à surinterpréter les prévisions. Par exemple, est-ce que les pics de commandes au mois d’août et octobre 2014 constituaient une fluctuation aléatoire ou une variation saisonnière ? La surinterprétation offre une « forte concordance entre un résultat sélectionné et l’input correspondant » ou une illusion d’uniformité. Malheureusement, la précision des prévisions de mars 2014, par exemple, était médiocre pour le restant de l’année (les commandes réelles étaient soit beaucoup plus élevées soit inférieures aux prévisions), puisqu’il s’est avéré plus tard que la demande était caractérisée par des fluctuations aléatoires (et non par une saisonnalité attendue).

On parle également d’une « availability heuristics », telle que des « prévisions manuelles d’ancrage » qui prennent en compte le budget et les prévisions statistiques (en plus du fait que le terme « manuel » est rarement synonyme d’efficacité), ainsi que l’approche « prévisions par rapport aux attentes ». Lorsque la demande est stable, ou correspond à la courbe de distribution normale (Gauss), la valeur attendue et la valeur la plus probable sont similaires. Mais lorsque la demande est plus irrégulière, avec une répartition inégale (c’est-à-dire la courbe de la loi de Poisson), la tendance réelle passe du côté inégal de la courbe.

Enfin, dans les articles de longue traîne, dont la demande est intermittente, la valeur prévisionnelle la plus probable est zéro. Mais pour assurer le service, le paramètre le plus important n’est pas la précision de la prévision, mais la compréhension claire de l’étendue et de la probabilité des résultats possibles. Par exemple, même si une commande est très improbable, une fois qu’elle sera passée, quelle sera la quantité la plus probable d’articles commandés ? Pour prévoir la demande intermittente, la prévision de la taille de la commande est beaucoup plus importante que la prévision de la probabilité d’une commande.

Le Machine Learning permet d'automatiser la chaîne logistique

Alors que faire si l’on est submergé par le « big data » des chaînes logistiques et des signaux provenant des réseaux sociaux, des ventes et du trafic sur Internet, des publicités, de Nielsen/IRI, etc. ? Le processus de planification de la demande peut alors être automatisé via le commerce prédictif, grâce à la technologie du Machine learning qui permet de limiter la volatilité de la demande. En bref, l’apprentissage automatique est une méthode efficace, présentant des signaux de cause à effet sur les promotions, l’introduction de nouveaux produits, les publicités multimédias, etc., ainsi que des regroupements complexes comme la segmentation granulaire des clients. Plus les paramètres sont complexes et dépendants, plus l’impact est important par rapport aux alternatives traditionnelles, comme la régression statistique.

Le concept clé de la principale suite logicielle de gestion des chaînes logistiques de ToolsGroup, SO99+ (qui signifie « Optimiseur de service 99 % et plus »), est que les articles standards (demande régulière, déplacement rapide), les articles à demande irrégulière (mouvement lent) et les articles de longue traîne (demande très faible, mouvements lents) utilisent tous les mêmes données et le même modèle de planification. La différence est que plus l’élément est lent, plus l’incertitude ou le risque est important et moins la précision ou l’erreur de la prévision le devient. L’incertitude est le facteur clé de l’inventaire : pour les objets à mouvement lent, la probabilité de posséder le stock suffisant en cas de commande est plus importante que la précision des prévisions. Pour les articles à déplacement rapide ou standard, c’est tout le contraire.

Fondamentalement, SO99+ isole le signal de demande du « bruit » généré par le volume important d’informations sur Internet. Avant l’apparition de l’apprentissage automatique (via le moteur intégré de Rulex Analytics), l’ajustement de la prévision vers des effets temporaires complexes tels que des promotions ou des introductions de nouveaux produits était un processus manuel qui laissait passer de faux signaux de demande, identifiés comme du bruit. Avec l’apprentissage automatique, les signaux sont bien mieux détectés et analysés.

Le moteur d’apprentissage automatique Rulex susmentionné regroupe des modèles promotionnels similaires en fonction d’un grand nombre d’attributs de promotion, des attributs de produits et des attributs de marché pour proposer un meilleur regroupement. La plupart des clients de ToolsGroup possèdent toujours la suite logicielle SO99+. Certains utilisent l’apprentissage automatique pour surcharger SO99+ et automatiser certaines tâches de planification de la demande. L’apprentissage automatique repose sur SO99+ pour effectuer les tâches de référence quotidiennes. À l’inverse, SO99+ s’appuie sur l’apprentissage automatique pour regrouper et segmenter la demande (schéma 1).

Schéma 1. ToolsGroup SO99+ et l’apprentissage automatique travaillant conjointement

Travailler conjointement peut permettre le renforcement du contrôle de la chaîne logistique via de multiples corrections de l’augmentation aléatoire de la demande. Ainsi, dans ToolsGroup SO99+ Demand Planning, la prévision est ajustée à la hausse pour tenir compte de la nouvelle tendance de la demande, tandis que dans SO99+ Service Planning, les stocks de sécurité sont augmentés pour absorber une telle demande inattendue à l’avenir. Enfin, SO99+ Replenishment se déclenche lorsque la demande consomme les stocks.

Pourquoi l’apprentissage automatique fonctionne-t-il dans le cadre de la planification de la demande ?

Dans les années 1990, les réseaux de neurones artificiels ou "neural networks" en anglais (un autre type d’IA) montraient des promesses similaires en termes d’amélioration des logiciels de planification des chaînes logistiques (SCP pour Supply Chain Planning), mais ils ont échoué, car le fait de devoir s’ajuster à des facteurs variables, à des modèles de tests et à des hypothèses en devenait fastidieux. Mais l’IA en général, et l’apprentissage automatique en particulier, ont fait de grands progrès depuis l’époque des réseaux de neurones artificiels. Les améliorations les plus précises ont éliminé une approche « boîte noire » des réseaux de neurones artificiels, avec des textes et une performance lisibles pour l’utilisateur (schéma 2). La régression traditionnelle à plusieurs variables requiert un utilisateur avancé, même si le succès de la précision prévisionnelle ne peut être garanti. Le moteur Rulex d’apprentissage automatique ne nécessite pas une connaissance approfondie de la part de l’utilisateur et permet l’automatisation de la SCP.

Schéma 2. Pourquoi utiliser l’apprentissage automatique dans la planification de la demande ?

En outre, comme l’apprentissage automatique utilise la logique booléenne, il est très rapide : on peut y mettre des milliers de paramètres différents avec des téraoctets de données et obtenir rapidement un résultat. L’apprentissage automatique teste les facteurs sur-le-champ : on peut lui donner des milliers de variables de la demande à analyser, et il vous dira quelles sont celles qui sont importantes. Les SO99+ et le moteur Rulex fonctionnent en mémoire. Seul le chargement de données pendant la configuration doit provenir d’un lecteur de disque ou d’un autre appareil de stockage des données. Au fil du temps, les projets sont assez rapides, mesurés en semaines (en supposant que SO99 a été mis en œuvre), car les deux moteurs sont standard et la dernière version de Rulex est intégrée dans SO99. Il s’agit simplement d’obtenir des données et des paramètres de configuration.

Conclusion

Certains sont encore préoccupés à l’idée que l’IA, les robots, etc. supprimeront à terme des emplois humains ou, au contraire, les rendront plus agréables. On estime que, même avec l’automatisation de la technologie informatique, les compétences humaines seront toujours nécessaires dans le cadre de la prise de décisions. Si l’outil automatique « Moneyball » a permis à certaines équipes de la ligue professionnelle de base-ball à petit budget de rattraper leur retard sur les grandes écuries, la tendance actuelle montre que le recrutement et les « compétences humaines » des experts restent très demandés, et pourraient être stimulés par les moteurs statistiques utilisés dans le sport.

L’apprentissage automatique n’est certainement pas le seul moyen de gérer la planification des articles « à la traîne ». Par exemple, JDA Software a système de planification et de réapprovisionnement lent (créer sur la base du concept exclusif de Flowcasting) qui résout ce problème de manière beaucoup plus précise grâce à Integer Forecasting, une approche brevetée. Et il existe de nombreuses autres approches de la part des éditeurs de logiciels en matière de chaîne logistique quand il s’agit de modélisation de la demande (prévision, planification, mise en forme, détection, etc.). Mais la plupart de ces éditeurs étudient également d’autres possibilités d’apprentissage automatique qui complètent et développent leurs approches. Ainsi, les utilisateurs potentiels de logiciels de planification de la demande devront-ils connaître l’apprentissage automatique et d’autres méthodes possibles afin de pouvoir évaluer et tester attentivement si tous ces concepts peuvent fonctionner correctement pour leurs besoins et dans leurs environnements propres.