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Souveraineté numérique : le Socle Numérique Territorial, la bataille des territoires

Souveraineté numérique : le Socle Numérique Territorial, la bataille des territoires

Par Gervais Lesage

Mis à jour le 20 décembre 2022, publié initialement en 16 novembre 2020

Quand on pense souveraineté numérique, on imagine rapidement de grandes batailles entre états, entre états et GAFAM ou leur version asiatique BATX. C’est tout un imaginaire peuplé de gigantesques data centers, de Big Data, de réseaux fibre optique traversant les océans, quand la bataille de l’hégémonie numérique ne se livre pas dans l’espace avec des satellites en orbite base et en 5G….

Mais il est un autre terrain de bataille plus proche, celui de la ville et du territoire, où l’usager de services numériques est aussi un citoyen et un administré.

Tous égaux devant le numérique ?

Nous sommes tous usagers de services publics numériques, volontairement dans notre utilisation quotidienne des transports en commun, en vérifiant un trajet avant un déplacement, en réservant la cantine scolaire de nos enfants sur un portail municipal, etc. Ou moins volontairement en remplissant de façon obligatoire des documents administratifs maintenant quasi uniquement disponibles sous forme dématérialisée.

Mais sommes-nous tous égaux, comme le proclame la devise de la République, devant cet état de fait ?

La France n’est pas un seul territoire et en de nombreux endroits la faiblesse des réseaux publics ou privés, en qualité et quantité, rend l’accès de tous aux services pour le moins inégalitaire. Cette exclusion numérique participe activement à l’exclusion sociale, sanitaire et économique d’une partie de la population, et nous expose collectivement à toutes ses conséquences.

Souveraineté numérique et territoires

La souveraineté numérique doit donc aussi passer par les territoires et le déploiement de réseaux et de services au plus proche des usagers/citoyens. Les collectivités, régions, départements et villes, en tant qu’aménageurs de l’espace public, doivent agir de concert :

  • pour faciliter les conditions d’accueil des réseaux,
  • mais aussi pour créer eux-mêmes les infrastructures afin que les services publics ou privés puissent se déployer.

Et ils ne peuvent le faire sans l’aide financière et législative de l’État. Et même si le plan France THD essaie d’y apporter une réponse, il reste des retards et points à améliorer.

L’État régalien doit jouer un rôle de facilitateur et financeur de politiques numériques territoriales, où les différents niveaux des collectivités, régions, départements, intercommunalités, villes ne doivent plus jouer des partitions séparées, mais jouer la complémentarité, la coopération, pour le bien commun.


Certaines collectivités y travaillent déjà en :

  • regroupant des services numériques,
  • créant des data centers locaux, mais partagés,
  • en organisant des déploiements de réseaux fibre optique à l’échelle d’un territoire.

Mais ce sont majoritairement des réalisations sous l’égide de volontés locales, parfois peu soutenues ou potentiellement aussi éphémères que la durée d’un mandat d’élu.

Cette nouvelle coopération des services et des réseaux territoriaux doit donc s’inscrire dans la durée pour permettre l’accès au marché d’acteurs économiques locaux, ce qui :

  • maintiendra à la fois l’emploi et le savoir sur les territoires,
  • et créera un terreau fertile à la réduction des inégalités.

La souveraineté numérique des territoires ne peut exister sans ce Socle Numérique Territorial, à la fois infrastructures des réseaux et data, mais aussi organisation et gouvernance des acteurs publics.

Nous donnons tous à nos différentes collectivités, et particulièrement à nos communes, une somme importante d’informations personnelles, sans que cela nous pose de problème particulier. Le service public est considéré comme un partenaire sûr.
Pour ces données personnelles ou collectives qui forment un bien commun, ce socle doit donc toujours répondre à cette même exigence, cette même garantie de sécurité et de minimisation de la collecte.

Il faut donc être à la fois garant vis-à-vis des usagers/citoyens de leur sécurité (conforme au RGPD notamment), mais aussi ouvert à la communication entre les différents services publics ou privés de façon à faciliter les démarches, la communication et l’émergence de nouveaux services.

Comment mettre en place un Socle Numérique Territorial ?

Cette mise en place d’un Socle Numérique Territorial ne se fera pas sans une formation accrue des agents territoriaux, qui sont les premiers acteurs de la politique numérique publique et les premiers en contact avec les usagers/citoyens.

Cela implique :

  • une meilleure formation des agents, mais aussi des élus au numérique et à la sécurité,
  • une information et formation aux outils logiciels spécifiques aux collectivités,
  • de meilleurs équipements,
  • un regroupement et un partage des connaissances,
  • des moyens techniques et humains pour une optimisation de la dépense publique, tout en favorisant la sobriété numérique.

Cela passe également par une population mieux formée, au moyen de l’éducation des enfants et jeunes adultes, mais aussi du reste de la population, notamment des plus fragiles ou éloignés du numérique.

L’utilisation des salles de classe et moyens informatiques associés qui dépendent respectivement des communes pour les écoles primaires, des départements pour les collèges et des régions pour les lycées pourrait être mise à disposition d’associations locales et centres sociaux pour amplifier cet élan de formation national au numérique et à ses enjeux.

La souveraineté numérique pour renforcer la démocratie locale

La souveraineté numérique des territoires est l’un des outils nécessaires à une nouvelle proximité démocratique. Dans une période où notre société doit relever de nombreux défis et fait face à de multiples crises, le numérique apparaît comme l’une des solutions à une distanciation et à une protection individuelle renforcée. La télémédecine, le télétravail, la formation à distance… le numérique abolit l’espace et le temps.

Le service public ne peut échapper à ce nouveau paradigme, il doit l’accompagner pour que numérisation ne soit jamais synonyme de déshumanisation.

Les territoires, en acquérant cette nouvelle souveraineté, seront à même de renforcer le lien avec leurs habitants et de dynamiser une démocratie locale en phase avec les grands objectifs nationaux du numérique, mais aussi de notre bien commun.

Ne pas s’en saisir au niveau local, c’est laisser des opérateurs économiques parfois prédateurs occuper l’espace public avec des solutions globalisées et parfois à l’échelle d’un continent, sans réel contrôle des usages et de l’information collectée.

L’échec de Quayside, le projet de SmartCity Hightech de Google à Toronto, nous montre que les habitants, au travers d’associations de défense, sont prêts à se saisir de ces sujets, même s’ils sont complexes. Et à contraindre une multinationale de 1 000 milliards et la municipalité d’une ville de presque 3 millions d’habitants à renoncer à de tels projets.

La démocratie locale c’est aussi cela.

Élu local pendant 12 ans et délégué aux Nouvelles Technologies et à l’Économie du Perray en Yvelines (7 000 habitants), Gervais Lesage a pu mettre en place dans sa commune de nombreux projets innovants dans les domaines de la Smart City, des énergies renouvelables et du numérique.

Aujourd’hui, avec PragmaCity, c’est cette expérience de terrain qu’il partage en accompagnant les collectivités dans la mise en œuvre de pilotes opérationnels.

«La PragmaCité n’existe pas, c’est à nous de la construire.»

Article invité. Les contributeurs experts sont des auteurs indépendants de la rédaction d’Appvizer. Leurs propos et positions leur sont personnels.

Gervais Lesage

Gervais Lesage,

Élu local pendant 12 ans et délégué aux Nouvelles Technologies et à l’Économie du Perray en Yvelines (7 000 habitants), Gervais Lesage a pu mettre en place dans sa commune de nombreux projets innovants dans les domaines de la Smart City, des énergies renouvelables et du numérique.

Aujourd’hui, avec PragmaCity, c’est cette expérience de terrain qu’il partage en accompagnant les collectivités dans la mise en œuvre de pilotes opérationnels.

«La PragmaCité n’existe pas, c’est à nous de la construire.»