Indépendants : crise aujourd’hui, eldorado demain ? Focus sur le portage salarial
Confinement, télétravail, chômage partiel… L’année 2020 aura été une période charnière pour les indépendants. Si faire le grand saut peut sembler risqué au vu du contexte, le statut a pourtant attiré plus que jamais.
Plus de 848 000 nouvelles immatriculations d’entreprises ont été enregistrées sur l’année. Alors, indépendant, un statut d’avenir ? Si oui, dans quelles conditions ? Une forme juridique (SASU, micro-entrepreneur, etc.) s’est-elle démarquée ? On a décortiqué le sujet pour vous.
Covid, quel bilan pour les indépendants ?
Un secteur bien secoué
Le terme « indépendant » est un mot-valise qui mérite d’être de nouveau précisé. Il s’agit de toute personne souhaitant être à son compte, sans lien de subordination avec une entreprise unique. Il y aurait, à fin 2019, plus de 3,6 millions d’indépendants en France (ACOSS). C’est environ 33 % de plus qu’en 2008 (INSEE). Des chiffres encourageants, mais que se cache-t-il réellement derrière cette volonté de liberté ? Quelles conditions pour les indépendants ? On a voulu regarder le sujet plus en détail.
Avant toute chose, notons qu’être indépendant peut prendre plusieurs formes : SASU, SAS, micro-entrepreneur, etc. Dans la majorité des cas, les garanties et sécurités sont à ce jour malheureusement très limitées. On constate également qu’en période de crise, ces limites ont tendance à être exacerbées. Analysons justement l’impact du COVID sur les indépendants.
Des répercussions inégales
On constate des répercussions assez diverses.
Un chiffre d’affaires en berne
Selon une enquête réalisée en fin d’année par Crème de la Crème (site de référence pour les freelances), 50 % des freelances présents sur la plateforme ont constaté un impact négatif de la crise sur leur chiffre d’affaires au 4e trimestre 2020.
Seuls 42 % d’entre eux disent avoir été épargnés. C’est une tendance que l’on observe pour la plupart des statuts indépendants. En effet, pour se préserver, les entreprises ont pour beaucoup mis en pause certains projets, et donc certaines prestations.
Les indépendants étaient aux premières loges : moins de missions, négociations plus complexes, prospection presque impossible, risques de non-paiement… Bref, une situation complexe.
Des inégalités entre secteurs
Comme toujours, certains secteurs tirent leur épingle du jeu. Selon une étude de Malt en partenariat avec l’institut BCG, plus de 85 % des personnes proposant des prestations en gestion de projets (project managers, coach agiles, etc.) ont eu au moins une mission annulée. C’est 79 % en business & consulting, 74 % en communication & marketing.
La Tech (développeurs, data-scientists, etc.) a été un des secteurs les plus épargnés. Conseil, administration et création ont eux été plus durement touchés.
Des statuts moins impactés que d’autres
La plupart des indépendants ont été très touchés par cette crise planétaire. En revanche, certains statuts semblent avoir été plus épargnés que d’autres.
L’un d’eux semble avoir particulièrement tiré son épingle du jeu : le portage salarial. En effet, ce format permet de combiner deux éléments clés : flexibilité (aka la liberté de l’indépendance) et sécurité (aka les avantages du salariat).
Le portage salarial, c’est quoi ?
Un statut à mi-chemin entre indépendance et salariat
On l’a vu, être indépendant, c’est d’abord choisir parmi une jungle de statuts (EURL, freelance, SASU, etc.). Bref, du jargon pas forcément intuitif, des subtilités pas toujours évidentes à déceler. Dans cette flopée d’options, l’une d’entre elles est bien souvent sous-estimée : le portage salarial.
À mi-chemin entre indépendance et salariat, le portage salarial est un format hybride qui combine les avantages des deux statuts. Pour faire simple :
- Flexibilité : Vous êtes maître de votre activité et définissez l’ensemble des modalités de vos missions (clients, tarifs, prestation, etc.). L’entreprise de portage se charge ensuite de les formaliser (contrats, facturation, etc.), de facturer la prestation et de la transformer en salaire. Vous n’avez qu’à vous concentrer sur l’essentiel : votre mission.
- Sécurité : Vous êtes rattaché à l’entreprise de portage par un contrat de travail (CDD ou CDI), sans lien de subordination. À ce titre, elle vous accompagne sur les volets administratifs, légaux, financiers, et vous permet par ailleurs de bénéficier des avantages du salariat (mutuelle, prévoyance, allocation chômage, retraite, etc.).
En plus imagé, c’est un peu l’incarnation de la flexisécurité à la française. De la souplesse dans le travail, de la sécurité pour travailler dans de bonnes conditions. Et ce statut est adapté à une large diversité de profils. En quelques mots, le portage salarial c’est :
- plus de 750 métiers (hors service à la personne et professions réglementées),
- 3 secteurs majoritairement représentés (informatique, formation, gestion de projet),
- des prestations intellectuelles (conseil, audit, ingénierie, informatique, formation, etc.),
- des prestations commerciales (vente, transactions immobilières, gestion, intermédiation, etc.).
Une forme méconnue de freelancing
Ce statut de portage salarial a déjà séduit plus de 50 000 personnes en 2020 (contre 32 800 en 2018). Il progresse donc rapidement, et son potentiel à moyen terme est considérable. Certains estiment qu’il pourrait représenter jusqu’à 600 000 emplois à l’horizon 2025 (source PEPS).
Pourtant, il se fait encore souvent voler la vedette par le statut micro-entrepreneur. Plus connu, plus souvent évoqué dans les médias… Le portage salarial gagne à être présenté, en atteste cette étude réalisée par le Syndicat des Professionnels de l’Emploi en Portage Salarial (PEPS pour les intimes).
En 2018, seulement 53 % des cadres interrogés avaient entendu parler du portage salarial. Parmi eux, 75 % en ont une bonne image et 37 % estiment qu’il sera plus fréquent à l’avenir. Il y a donc fort à parier que ce statut a de beaux jours devant lui. Et pour cause, le portage salarial offre des avantages non négligeables. Il est temps de les décrypter.
En période de crise, quels avantages ?
Un statut simple à mettre en place
Le portage salarial est une des formes juridiques les plus simples et rapides à mettre en place. En effet, pas besoin de créer de structure. Il suffit de contracter un tiers (l’entreprise de portage salarial), qui va lui s’occuper de tout (ou presque). Vous gérez vos missions (prestations, coûts, clients, etc.), l’entreprise de portage s’occupe du reste (facturation, encaissement, recouvrement, déclarations sociales, etc.).
Ce service est-il gratuit ? Pas tout à fait. L’entreprise prend un pourcentage sur vos missions réalisées. Celui-ci peut aller de 4 % à 10 %. Cela peut paraître important, mais il faut à ce stade considérer le temps passé en tant qu’indépendant sur les tâches administratives et de gestion. Les chiffres vont du simple au triple, mais on parle en général de plus d’un tiers du temps. Ce qui est énorme.
Libre à chacun de faire ses propres calculs, mais le portage salarial peut être un excellent compromis pour optimiser son temps et gagner en tranquillité d’esprit. Et pour les personnes qui ont la phobie administrative, cela devient même décisif.
Une protection sociale unique
Au-delà de la partie administrative, les entreprises de portage salarial vous permettent pour la plupart de bénéficier de conditions sociales similaires à celles d’un statut de salarié. Cela peut paraître anodin, en temps de crise cela fait pourtant toute la différence. Quelques basiques :
- Revenus : Un salaire fixe et garanti, une possibilité de lisser le montant (et compenser une activité fluctuante), une assurance chômage, une cotisation retraite, etc.
- Santé : Une mutuelle, des indemnités maternité, une couverture accident du travail, etc.
- Loisirs : Des tickets restaurants, un comité d’entreprise…
- Formation : Un accès un catalogue très varié de formations (certifiantes ou non).
- Immobilier : Des fiches de paies (confortable pour un prêt par exemple).
Bref, le portage salarial est une forme plutôt confortable de statut. Vous hésitez encore ? Voilà une information bonus : ce statut est conciliable avec d’autres statuts. Pas d’engagement, pas de risque. Vous pouvez créer un format à la carte, qui correspond à vos attentes.
Un statut qui a de plus en plus de poids
Petit à petit, le secteur se développe. En France, et dans tous les pays d’Europe, des formes similaires émergent. Les choses se structurent. Les acteurs de la filière ont maintenant la légitimité pour construire la suite directement aux côtés de l’État et des institutions.
Aujourd’hui, le portage salarial c’est :
- plus de 300 entreprises en France ;
- une première mention dans la loi française en 2008 (loi n° 2008-596 du Code du travail concernant la modernisation du marché d’emploi) qui a permis de définir officiellement les conditions légales du portage salarial ;
- une convention collective dédiée au portage ;
- une belle victoire en 2020 : les personnes en portage salarial ont pu bénéficier du dispositif de chômage partiel, au même titre que les salariés. Une première.
Ces mesures et changements laissent entrevoir un bel avenir pour le portage. Et justement, quelle place pour ce statut dans la société de demain ?
Et demain ?
Le CDI reste aujourd’hui la forme dominante d’emploi en France. Il représentait plus de 85 % des emplois en 2016.
Et pourtant. Selon un sondage IFOP, 14,3 millions de Français en activité seraient prêts à devenir indépendants si des mesures politiques favorables sont mises en place. Ce qui fait pas moins de la moitié de la population active !
Au vu du contexte, et de l’ampleur que prend ce mouvement, tout laisse à penser que le droit du travail sera petit à petit ajusté pour correspondre à cette nouvelle forme de travail. En attendant, un statut semble être le bon compromis entre le salariat et l’indépendance : le portage salarial.
L’avantage ? Pas besoin d’attendre pour franchir le cap, il est aujourd’hui possible de devenir « porté » en quelques clics.
Sophie Laquerrière est responsable marketing chez Embarq, société de portage salarial qui propose un modèle technologique et transparent. Diplômée de l’école d’ingénieur Télécom Saint-Étienne et de l’Université du Québec, ancienne consultante en management de l’innovation, elle est particulièrement sensible aux questions de transformation numérique et d’entrepreneuriat.